Thelonius Monk – Straight no chaser
Poster un commentaire20 novembre 2016 par OC
- CRITIQUE/
C’est très compliqué de sélectionner un disque dès qu’il s’agit d’un monstre sacré comme Thélonius Monk, ce moine du jazz. Cette sélection réside donc sur 3 critères : la beauté des thèmes, la modernité du propos, et l’aspect populaire.
C’est chez Columbia que Monk sort ce qui sera un de ses derniers disques studio. Malgré les excellents musiciens qui croisèrent la carrière de Monk, c’est avec ce quartet, certes pas le plus spectaculaire mais le plus cohérent, que le pianiste écrit l’une de ses dernières pages musicales en quartet.
Le morceau « Straight no chaser » deviendra comme beaucoup de ses morceaux un standard du jazz, et deviendra le titre du documentaire sur Monk de Charlotte Zwerin sorti en 1988.
Mais c’est le morceau « Kojo no tsuki » qui m’intéresse particulièrement. Morceau traditionnel (voir ci-dessous) japonais, à la mélodie très simple, qui comme certaines mélodies yiddish, recherche la beauté dans la simplicité avec une progression harmonique et rythmique explorant toutes les palettes émotionnelles.
Ce trio impeccable, respectant les silences et les respirations imposés par le pianiste, en imposant un groove qui nous maintient dans une sphère d’où l’on ne peut sortir ou comme dans un train que l’on ne peut quitter en marche, laisse l’auditeur victime de toute la générosité transmise par l’artiste au chapeau.
Nous reviendrons vers d’autres sphères monkiennes quand il sera temps… En attendant, bonne écoute ! One. two. One. two. three. four ! Ocollus
Cliquez pour écouter (ci-dessous)
Full album ……
Japanese folk song (kojo no tsuki)……
Kojo no tsuki… Rentaro Taki
————————–
Thelonious Sphere Monk (10 octobre 1917–17 février 1982) est un pianiste et compositeur de jazz américain célèbre pour son style d’improvisation, ainsi que pour avoir écrit de nombreux standards de jazz.
Alors que Monk est souvent considéré comme l’un des fondateurs du bebop, l’évolution de son style personnel l’a fait s’en éloigner. Il est d’ailleurs difficile d’établir une filiation même si son jeu pianistique (assez traditionnel dans les ballades) se rapporte au jeu stride des années 1920–1930 et si son influence peut être décelée chez de nombreux musiciens. Ses compositions autant que son jeu pianistique ont suscité les plus vives réactions tant ils bousculent la mélodie, l’harmonie et le rythme. Nombre de ses compositions sont devenues des standards, par exemple : Blue Monk, ’Round Midnight, Well You Needn’t, Straight, No Chaser. Wikipédia.
_______________________
On ne peut pas exister sans plaisir, même une seconde, alors quand on a le blues, le moral au ras des chaussettes, le coeur contrit, comme ce soir peut-être, un petit conseil, passez-vous une galette de Thelonious Monk (1917-1982), ou versez-vous un bon STRAIGHT NO CHASER, ça vous soulagera… L’homme à l’état brut. Thelonious Monk et sa musique, ses rêves, son génie. Parce que Monk est un génie. Il sait vous parler, il vous comprend, il vous dit tout avec son piano, qu’il soit accordé ou pas… Et il te rappelle, sans haine, ni violence, comme un reflet dans un miroir, ce qu’est ton humanité avec son lot de bonheur et de merde, ce qu’est « devenir homme ». Dit comme ça, l’on dirait une recette célinienne, une recette au Tarapout. Même si chez vous, ça n’est pas le luxe, l’aisance, même s’il n’y a pas toujours de la cuisse, ni trop de lumière, savon et parfum, croyez-moi, avec Monk, l’on oublie ses petits malheurs, et surtout l’on essaie de ne pas trop se faire d’illusions, parce que la musique de Monk, ça n’est pas une musique truquée. Elle est avant tout terrienne. Monk, c’est un laboureur. Mais un gentleman de laboureur. Alors, à quoi bon se faire des illusions sur son existence, ou de penser à la belle à qui l’on a ravi un moment savoureux? Elle est partie, fondu dans la nuit noire, après un verre ou deux, vous laissant seul dans une sorte de désespoir, dans l’inconnu. C’est un rêve éveillé dans une réalité teintée de blues, le coeur serré, la gorge un peu nouée. Le plaisir était si fugace que c’en devient un plaisir presque insupportable… Alors, un troisième verre s’impose. La musique de Monk vous aide à traverser l’épreuve du temps, à oublier ces secondes qui vous engourdissent et vous écrasent finalement de tous ces désirs d’ici et d’ailleurs. La musique de Monk, c’est métaphysique…
Parce qu’avec Thelonious Monk, on a son lot de consolation. L’on pénètre dans ces beaux sous-sols imaginaires, chauds et capitonnés, bondés et enfumés, où règnent le réconfort et la convivialité, au point que le désespoir devient plus supportable. Même si la lumière n’est pas aussi « éclatante » et lumineuse que la musique de Bach, elle est aussi indispensable. Parce que « Monk détient entre ses doigts le pouvoir définitif du nivellement par le bas », comme le disait Laurent de Wilde dans sa remarquable étude consacrée au pianiste. Et si vous reprochez au pianiste de jouer une fausse note, et bien quelque part, c’est comme si vous en vouliez au soleil de se lever le matin. Monk, astre du jour, étoile de la nuit, il est aussi l’ange du bizarre. Mais du bizarre comme celui-ci, grands dieux, donnez m’en tous les jours, que chaque jour soit un mystère, que chaque jour soit une surprise, un instant de bonheur monkien et qui sait, à moi aussi il me poussera peut-être des ailes…
Les neuf titres de cette magnifique session de novembre 1966 et janvier 1967 ont été restaurées, parce qu’à l’origine, de nombreux titres (comme « We See ») avaient été amputés de quelques secondes par le terrible Teo Macero, le producteur légendaire du label Columbia (Miles connaissait bien l’homme, lui-aussi…). Aussi, trois inédits de cette session ont été rajoutés, et non des moindres. Une composition de toute beauté, « This is my Story, This is my Song », illumine cet album, qui je le répète est une merveille. Le disque alterne ses morceaux favoris joués en solo absolu (deux titres) avec d’autres thèmes interprétés par son quartette classique (composé de Charlie Rouse au sax ténor, Larry Gales à la contrebasse et Ben Riley à la batterie, un quartet régulier depuis 1964). Il débute sur le génial « Locomotive », joué sur un mid-tempo ensorcelant, les cuivres jouant la rythmique sur un swing efficace, mais sans les « cabrioles » de ses débuts. La surprise est de taille avec le titre suivant, « I Didn’t Know About You », un thème rare de Duke Ellington. Le sax de Rouse se fait langoureux, sage et profond. Le temps s’est distendu, les musiciens prennent le temps de développer leurs idées, font durer le plaisir, comme lors de bons et doux préliminaires, véritables prémices à l’acte d’aimer. Car avec Monk, c’est une histoire d’amour, à vous procurer du plaisir, mais aussi à vous déchirer coeur et âme.
Le troisième thème, archi connu, « Straight No Chaser », et qu’il avait joué bien des fois auparavant (la première fois étant aux côtés de Milt Jackson, en 1948), est ici remarquablement exposé. Faut dire que chez Columbia, c’est le confort et les grands moyens. C’est un thème en apparence assez simple, que l’on peut chanter. Bref, on y respire, l’on est envahi d’une joie ineffable, d’un doux bonheur, tranquille, quasi égoïste. « Japenese Folk Song » est un thème qui m’était totalement inconnu, je crois. La mélodie est inoubliable, un brin nostalgique, et le sax de Rouse toujours aussi touchant. Un thème qui illustre bien ce côté « en marge » du pianiste. La rythmique n’est pas forcément mise en avant, mais elle assure en diable. Enfin, le premier morceau joué en solo absolu, le fringant « Between The Devil and The Deep Blue Sea », est un thème ô combien magnifique (signé H. Arlen et T. Koehler). Le bonheur à l’état pur. Que dire de plus? « We See » retrouve sa durée initiale, donc, (plus de 11 minutes), rythmes décalés, un sax hésitant au cours de l’intro, puis prenant plus d’assurance dans les impros. Le bonheur est fragile, mais il dure plus de dix minutes… Enfin, les trois inédits, la reprise du thème d’Ellington, puis ce thème oublié, rappelant les gospels que l’on jouait dans les églises baptistes du Sud. Voilà, c’est dit, et maintenant, je vais mieux… Merci le Moine. ledeblocnot.blogspot.fr
1. Locomotive Thelonious Monk 6:40
2. I Didn’t Know About You D. Ellington 6:52
3. Straight, No Chaser Thelonious Monk 11:28
4. Japanese Folk Song (Kōjō no Tsuki) Rentarō Taki 16:41
5. Between The Devil And The Deep Blue Sea H. Arven/T. Koehler 7:36
6. We See Thelonious Monk 11:35
7. This is my Story, This is My Song (solo) F.J. Crosby/J.F. Knapp 1:42
8. I didn’t know About You (prise 1) D. Ellington 6:48
9. Green Chimneys Thelonious Monk 6:34• Thelonious Monk : piano
• Charlie Rouse : saxophone
• Larry Gales : contrebasse
• Ben Riley : batterie