Eric Truffaz – Bending new corner
Poster un commentaire17 juillet 2022 par OC
.CRITIQUE/
Eric Truffaz finit la fin du siècle dernier avec ce disque, son troisième, dans la continuité du précédent « The dawn ».
Les mauvaises langues pourraient dirent que Truffaz arrive là où Miles Davis s’est arrêté avec son dernier disque studio « Doo bop » et que créativement parlant, il capitalise ici sur les derniers soubresauts artistiques du génie américain ! Mais il n’en est rien…
L’ère des musiques urbaines et des musiques électroniques restent à définir. Accompagné de Nya, chanteur de hip-hop suisse avec lequel il a déjà enregistré le disque précédent, Eric Truffaz nous fait cadeau d’un album lumineux et abouti, à la croisée des styles de son époque. Ocollus
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full album……
Si votre rêve est de passer des vacances dans le Sahara, que votre animal préféré est le chameau, que vous adorez sentir les rayons de soleil vous brûler la peau, que vous êtes en plus amateur de Jazz, de Trip Hop ou d’électronique, mais que vous n’avez jamais oser vous engager dans ce genre d’aventure, ce disque d’Erik Truffaz est fait pour vous. Et d’ailleurs même si vous ne remplissez pas toutes ces conditions il y a de grandes chances que vous adoriez le présent album.
Erik Truffaz ne vient pourtant pas d’un pays réputé pour sa chaleur ni pour ses grands déserts de sable (la Suisse) mais cela ne l’empêche pas de nous produire ici un jazz brûlant comme le sable au soleil. Son jeu se fait langoureux, s’élève comme un mirage et plane au-dessus des autres instruments, s’imposant à la manière d’un autre grand trompettiste qui l’a beaucoup influencé, Miles Davis (mais qui ne l’a pas été après tout?). Dans cette optique il est aidé par une contrebasse chaude, ample, qui avance inéxorablement à travers les dunes de cette représentation musicale du désert, et surtout par des claviers hallucinés qui nous apparaissent comme des mirages sonores pour nous perdre dans ces étendues de notes répétées. Seul réconfort, Nya nous sert de guide, nous montre le bon chemin d’un simple refrain.
La suite More & Less s’étend comme une longue hallucination, fruit d’une longue marche sous ce soleil de plomb, savant mélange d’influences électroniques et drum’n’bass. Après plusieurs kilomètres de marche, l’auditeur trouve un petit village, Siegfried, où la chaleur tombe, l’atmosphère devient plus légère, propice à un jazz calme et détendu. La marche continue le lendemain avec un Bending New Corners d’anthologie, notamment sur la fin, menée par les sons irréels du clavier de Patrick Muller.
Puis, au beau milieu de cette traversée désertique, le visage de la tendresse montre son nez, aussi frais que l’eau qui commence à manquer, aussi inatendu que réconfortant : Betty. Le groupe se fait alors romantique, délicat. Une véritable perle aux accents des meilleurs ballades de jazz.
Pourtant, passé ce moment d’extase, une question subsiste. L’auditeur a-t-il découvert un véritable oasis de plaisir, ou bien, abusé par le soleil, a-t-il imaginé cette femme dont il ne peut que supposer le nom ? Une chose est sûr, passé ce bref moment au goût d’éternel, l’âpreté du désert reprend son assaut avec ardeur. L’eau vient à manquer, la gorge s’assêche. Du sable, partout du sable, jusqu’à l’horizon. Les sens commencent à s’égarer. Est-ce le vent ? Un souffle cuivré s’élève dans l’immensité sabloneuse, rejoint par la démarche hypnotique des percussions. De majestueuses constructions apparaissent au loin dans leur splendeur orientale. Mais la marche continue. Les mirages se font de plus en plus forts, de plus en plus attirants. Mais la traversée est bientôt finie. A moins que ce ne soit également un mirage…
Puis le tapis rythmique s’évanouit, lentement. L’image de ces grands minarets s’efface peu à peu elle aussi. Le désert n’a pas triomphé. Pas cette fois-ci.
Il est temps de s’arrêter, de récupérer. L’ambiance de ce nouveau campement qui commence à apparaître au devant est festive, amicale. Les gens y sont agréables. La chaleur se fait moins étouffante, le feu se fait amical et on écoute calmement le flot de paroles de Nya. Mais passée la nuit, le voyage doit reprendre. Éternellement. Le désert reprend son assaut. Encore. Cette fois-ci, il va peut être gagner. Et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain. Ou encore après. Le chant désincarné du désert comment déjà à s’élever à travers les dunes en une sorte de rappel des titres les plus désertiques.
Certains diront que le voyage est long, répétitif. Mais comment garder la notion du temps au milieu de ce décor intemporel ? L’atmosphère lourde, ardente, oppressante des longues journées de marche peut devenir chaleureuse, amicale lors des arrêts. La retranscription musicale d’un voyage à dos de chameau, du panorama fantatisque et hypnotique que peut offrir un tel lieu. Si la traversée de ce Sahara sonore ne vous effraie pas, lancez-vous. Erik Truffaz vous incite au voyage comme personne, un jazz torride comme invitation, teinté de bien d’autres choses. Forces parallèles
1. Sweet Mercy 5:13
2. Arroyo 6:28
3. More 6:10
4. Less 3:56
5. Siegfried 6:56
6. Bending New Corners 8:10
7. Betty 4:17
8. Minaret 5:58
9. Friendly Fire 4:18
10. And (renferme la composition cachée Minaret 2 10:11